Ses gravures sur bois tantôt drôles, tantôt touchantes, parfois provocatrices et souvent ironiques, marquent clairement les yeux et les esprits. Thierry Lenoir est un anartiste, oscillant entre le travail minutieux que demande la gravure et la vie ‘rock’n’roll’ d’un homme qui s’est toujours senti ‘à part’.
La personnalité ‘Rock’n’roll’, marginale, de Thierry Lenoir se ressent très fort dans ses oeuvres : entre illustrations décadentes et messages saillants, les traits de l’artiste sont teintés d’humour, souvent noir, et provocateur. L’homme manie l’autodérision et le second degré de la même manière qu’il manie l’échoppe et l’encre, à merveille !
« J’ai eu la chance d’avoir un style au départ, et que je conserve parce que sinon ça ne va pas. »
On a beaucoup assimilé son travail à celui du célèbre graveur belge Frans Masereel, bien qu’il trouve cela un peu exagéré car il le considère comme le plus grand graveur belge. Il raconte aussi que la première fois que quelqu’un a fait cette comparaison, il n’avait aucune idée de qui il s’agissait… Il avoue que, durant ses études, il a souvent délaissé le cours d’histoire de l’art pour vaquer à d’autres occupations plus amusantes, comme vadrouiller dans les bars. Il a cependant fini par acquérir cette culture tout au long de sa vie d’artiste.
En 30 ans de gravure, il a assimilé énormément d’influences différentes, mais ne s’est jamais inspiré d’autres artistes. Il a toujours eu son propre style, tout est le fruit de son imagination. Pour lui, ses gravures ne s’expliquent pas, c’est toute son intimité qui s’immisce dans ses oeuvres, il y écrit sa vie privée de manière abstraite et pourtant très claire, en y ajoutant beaucoup d’ironie et un fragment d’autodérision.
« J’ai toujours fait des trucs qui me touchaient personnellement.»
Son inspiration lui vient directement des situations qu’il rencontre dans sa vie quotidienne, ses sentiments, certaines situations politiques… Il aborde tous les thèmes qui le touchent. Chaque gravure a un sens pour lui, son but n’est pas de faire de la décoration. Il travaille d’ailleurs toujours sur deux gravures en même temps, sautant de l’une à l’autre, d’un thème à l’autre, en fonction de son inspiration et des différents évènements qui rythment sa vie.
C’est aux Beaux-Arts de Mons, aux côtés de Gabriel Belgeonne, que Thierry Lenoir a appris la gravure. Passionné de dessin depuis tout petit, il a commencé des études d’art sans vraiment savoir vers quel domaine il allait se tourner, ce qui lui a permis de toucher un peu à tout. Après s’être d’abord dirigé vers l’architecture d’intérieur, il a finalement pris goût à la gravure, qu’il trouvait ‘plus rock’n’roll’, plus comme lui… Ce qui lui plait tant dans cette discipline, c’est l’effet que donne la gravure, elle permet de donner un aspect qu’on ne peut créer avec le dessin.
« Je me suis tout de suite senti plus à l’aise avec le bois, c’est la technique la plus simple, je n’ai jamais voulu faire de trucs techniques parce que c’est le sujet qui m’importe plus. »
Il a commencé à graver sur le bois lorsqu’un jour, il en a trouvé un morceau, un aggloméré de poussière compressée, dans l’atelier de son père qui était menuisier. Il s’est alors dit qu’il allait essayer de graver là-dedans. Il était l’un des tout premiers à utiliser ce type de matériaux, ce qui a suscité quelques moqueries, mais depuis lors, énormément de graveurs utilisent cette technique, peu coûteuse.
Au cours de ses études aux Beaux-Arts, il a eu l’occasion d’exposer une première fois en Italie et gagner le premier prix d’un concours régional, des petites choses qui l’ont motivé à poursuivre son parcours artistique et remporter, en 1991, le prix de la gravure de la Communauté française. Ce prix a été un véritable tremplin et lui a permis d’exposer par-delà les frontières Belges.
Malgré cela, Thierry Lenoir n’a jamais su vivre de son art, qui est toujours resté une passion exercée durant son temps libre. Il avoue : « il est difficile de vivre de la culture. Pour les gens, ce n’est pas une priorité, c’est d’abord les vacances et la bouffe, la culture est devenue un luxe ». Pas de quoi décourager l’artiste pour autant, qui travaille d’ailleurs déjà sur sa prochaine gravure, représentation encore une fois très personnelle de ce à quoi ressemble sa vie pour l’instant…
Un portrait de Louise Duquesne et Olivia de Mahieu .